jeudi 19 juillet 2012

Zaouia "Ahmed Ouyahia" Amalou la ou le rossignol a appris le coran et la langue arabe


L’enchanteresse distille le savoir et étale son charme légendaire



Avec ses paysages multiples et merveilleux, riches d’histoire et de légendes, de culture et d’anciennes architectures inégalées, la Zaouia de Sidi Ahmed Ouyahia dans la commune d’Amalou est à la fois un lieu de culte et un berceau de la renaissance.

En la regardant de nuit à partir d’Ighil N’tala, d’Aït-Djemhour ou d’Ighil Igueni, les trois villages qui la surplombent, on la voit comme une merveille aux lumières tamisées et scintillantes qui attirent vivement le regard. Fondée par Sidi Ahmed Ouyahia au IXe siècle, elle est parmi les lieux de culte les plus célèbres de la région. Son concepteur était un homme religieux que la population vénère et adule encore pour ses qualités de saint ayant beaucoup contribué à l’ensemencement de la foi dans la région. Cette école coranique où sont enseignées des sciences islamiques depuis des siècles, fonctionne encore grâce aux aides des particuliers qui lui donnent sans compter dans l’optique de garder encore en vie un monument du savoir qui constitue un repère qui intéresserait sans nul doute les générations futures. Située au centre de la ville d’Amalou, à l’entrée sur un grand fronton est écrit en arabe et en gros caractères, «Zaouia Sidi Ahmed Ouyahia».

C’est l’un de ses arrières petits fils, en l’occurrence Badredine Idir, membre de l’association religieuse et gérant de la Medersa qui nous a accueillis avec un sourire bienveillant et une hospitalité chaleureuse. D’emblée, il nous fait visiter l’imposante mosquée attenante à l’école qui garde encore la plaque commémorative d’inauguration par l’actuel ministre des Affaires religieuses, Ghoulamallah le 26/08/1997, correspondant au 22 rabia thani 1418. «Cette mosquée est construite avec quasiment des dons des particuliers dont les délais de réalisation étaient de 10 ans (1986-1997)», a-t-il dit. Elle est attenante à la zaouïa et constitue le plus important monument religieux qui charme le visiteur le plus assidu avec les ors et les turquoises de ses coupoles et ses décors majestueux qui restent gravés dans les mémoires de tous ceux qui sont passés par là. D’une superficie de 23x23m soit 529m2, elle est composée de trois niveaux et d’un minaret géant qui émerge dans toute la localité malgré la situation géographique de la zaouïa, engouffrée dans une cuvette. Le sous-sol est annexé à la Médersa et composé d’une salle de cours, un bureau spacieux du gérant équipé du mobilier adéquat et des toilettes. Le rez-de-chaussée, isolé de l’école par une clôture, sert de salle de prières pour les hommes permettant ainsi aux fidèles de la ville d’accomplir leur devoir religieux dans cette mosquée, notamment la prière du vendredi sans y passer par l’école et gêner son bon fonctionnement. Le premier étage sert de salle de prières pour femmes. Après la mosquée, c’est une grande bâtisse d’architecture ancienne qui s’offre à nos yeux, un monument gardant toute sa vivacité. «Cet édifice d’une superficie de 16x12m soit 192m2, construit en 1950 par l’arch d’Amalou est utilisé actuellement comme salle de cours pour 27 élèves», fera remarquer notre interlocuteur. Un peu plus bas, deux grands vestiges attirent toute notre attention. Tout d’abord, la vieille mosquée, qui se révèle être un musée déterminant toute l’apothéose de l’art sur le plan architectural de type andalou qui nous renvoie sur cinq siècles en arrière pour imaginer toute la grandeur du concepteur qui ne peut être que le maître des lieux de l’époque (Sidi Ahmed Ouyahia). A quelques mètres de là, se dresse la nécropole où est érigé un mausolée séculaire, bien entretenu et faïencé même de l’intérieur. Une grande toile verte recouvre le tombeau de Sidi Ahmed Ouyahia. A l’entrée et sur le côté droit, reposent les trois imams descendant du cheikh spirituel et qui ont assuré sa succession. Il s’agit de Cheikh El Bachir, Cheikh El Hacene et de Cheikh Md S’éghir. L’endroit magique sur lequel nous nous sommes attardés est la salle des cours où le Cheikh enseignait le Coran, un vestige étourdissant qui s’avère être le monument le plus ancien en raison de son architecture millénaire. Les matériaux qui datent du IXe siècle sont encore en place, de l’ardoise du parterre, des pierres bien taillées des murs, des briques pleines servant d’ornements et des tuiles rouges traditionnelles typiquement kabyles. La zaouïa a contribué à la formation de plusieurs illustres personnalités politiques, patriotiques et religieuses qui ont contribué à la guerre de Libération nationale de 1954 et dont certaines sont tombées au champ d’honneur.

Véritable réservoir d’hommes pendant la révolution

La zaouïa a été fermée par l’armée coloniale pour toute la période de la guerre pour ne s’ouvrir qu’après l’indépendance du pays. Durant la guerre, beaucoup de ses talebs se sont reconvertis en moudjahidine qui ont nourri les maquis, notamment ceux de la région. Aujourd’hui forte avec ses 50 martyrs recensés, l’association religieuse, autorité suprême de ce lieu de culte, coure toujours pour arracher une stèle qui sera érigée à l’entrée de la zaouïa, à la mémoire de ses enfants chouhada. Aussi, elle a eu l’honneur et le mérite d’avoir formé et donné le premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), en la personne d’Abderrahmane Fares, l’un des petits-fils du Cheikh spirituel et notaire de profession. Par ailleurs, elle ne tarit pas d’éloges d’avoir donné aussi pour la révolution algérienne, un officier de l’ALN au rang de colonel et un commissaire politique mort en 1957 dans un accrochage à Boni dans la région d’Ighil Ali», poursuit-il, tout en fouillant dans son ordinateur à la recherche des archives de la zaouïa qu’il mettrait à notre disposition. Il enchaîne : «Parmi les personnalités religieuses formées qui sont fort nombreuses, le gérant citera quelques-unes à l’exemple de : Saâd Idjerri de Tizi-Ouzou, imam et écrivain, Taher Aït Aldjel, personnalité très influente de la zaouïa de Tamokra, El Hacene Fares et Sahnoun, imams et juges à l’époque coloniale et enfin Cheikh Tayeb Ouchentir, père du célèbre Ali Chentir», tient-il à préciser

La Zaouia fonctionne avec les moyens de bord du fait que les subventions de l’Etat sont minimes et insignifiantes par rapport à son budget de fonctionnement. Cependant, 130 ha de terres agricoles fertiles ont été achetés aux environs de l’année 1900 par l’arch d’Amalou pour le compte de la zaouïa. Ces terres situées à Melakou sont mises en valeur par la plantation d’une partie d’arbres fruitiers et l’autre partie laissée nue pour la pratique des cultures maraîchères qui sont irriguées par trois forages hydrauliques. Ces terres sont louées aux particuliers et procurent ainsi des ressources pour l’école. Mais le financement important provient des généreux particuliers qui n’hésitent pas à attribuer des dons en nature et en argent. L’immobilier de la Medersa se résume à cinq dortoirs spacieux permettant aux étudiants d’être à l’aise dans les chambres, une cuisine très propre, un réfectoire, une salle de cours très spacieuse qui était une ancienne mosquée et trois magasins dont un est utilisé pour le stockage des produits alimentaires, un autre est réservé pour le stockage de l’huile d’olive donnée à la medersa bénévolement par des particuliers et enfin le troisième hangar abrite l’outillage. D’après notre interlocuteur, la municipalité d’Amalou offre de temps à autre des équipements ou des produits de fonctionnement dont la zaouïa a besoin.
Depuis son installation le 20/06/2005, Le gérant semble bien prendre les choses en main en travaillant inlassablement depuis à moderniser de fond en comble la medersa, voulant lui donner un cachet particulier, celui d’un institut islamique où seront formés des cadres en théologie de demain. De ce fait, un investissement important de modernisation du site vient d’être réalisé dans l’enceinte même de l’établissement. Il s’agit bien entendu d’un grand bâtiment à trois niveaux construit avec des matériaux sophistiqués. Il abritera les salles de cours au premier étage, le réfectoire et la cuisine au second, et le dortoir au dernier étage. Il est assorti d’une grande terrasse dominant les quatre coins de la région avec une superbe vue sur toute la haute vallée de la Soummam et le flanc est du djurdjura. Son concepteur en se donnant autant de moyens ambitionne d’en faire un grand institut islamique. «Nous avons établi une fiche technique de l’ordre de 50 millions de dinars. Comme vous voyez, le bâtiment est achevé et nous a coûté environ 44 millions de dinars, l’installation du chauffage central avec 27 radiateurs couvrant l’ensemble des pièces des trois étages, compris. Il nous reste 6 millions de dinars à trouver et qui nous serviront à équiper l’institut en matériel adéquat. Les aides que nous avons reçues jusque-là des organismes étatiques, sont minimes : 1 million de dinars de l’APW, 2 millions de dinars du ministère des Affaires religieuses et 2,3 millions de la wilaya de Béjaïa. Soit un total de 5,3 millions de dinars qui représentent 10 % de l’investissement. Les 90 % sont des dons des particuliers», informe le gérant. Cette forteresse fascine avec ses monuments séculaires et offre au visiteur l’un plus beaux panoramas de la région avec son ancien bâti qui garde encore jalousement son charme d’antan, c’est pourquoi, même en s’éloignant, il est difficile de détourner les yeux pour abandonner un charme qui impressionne par toutes ses subtilités. Autrement dit, chaque année, des essaims impressionnants de pèlerins viennent les quatre saisons se recueillir sur le mausolée de Sidi Ahmed Ouyahia pour avoir sa baraka et admirer la splendeur des lieux.


                                                            Article : Par L. Beddar Journal  la depeche de Kabylie

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